Brute ou travaillée, douce ou
rugueuse, colorée ou monochrome, multiple ou unique, la matière s’expose à la
vue ou disons plutôt joue des émotions de celui qui prend le temps de la
regarder.
Textiles pour l’un et sculpture pour
l’autre.
Il ne restait alors qu’à découvrir
le travail de Sterling Ruby1 qui aborde sans complexe les deux
matériaux – fibre et bronze, pour réunir les quatre mains du blog.
L’artiste américain, né en Allemagne
en 1972, dirige son assaut sur les matériaux et les structures qui lui
permettent d’aborder les questions liées à la violence, la pression de la
société et l’histoire de l’art.
Sterling Ruby travaille une grande
variété de supports et techniques – collage, peinture, vidéo, sculpture. Son
travail, protéiforme est empreint de sources et références qui font osciller
les œuvres entre éléments connus et un au-delà aussi théâtral que sombre pour
atteindre son propos. L’œuvre de Sterling Ruby s’inscrit dans ce mouvement de
dualités et de confrontations idéologiques, dans ce rapport entre expression
individuelle et contrainte sociale.
Deux œuvres de l’artiste sont
présentées dans le nouvel espace de la collection Charles Riva à Bruxelles.2 Dans un espace entièrement consacré à la sculpture contemporaine, Riva Project – Selected Sculptures,
Sterling Ruby expose deux œuvres avec deux matériaux distincts : le
bronze, le textile.
Deux matériaux pour deux œuvres qui
illustrent la large palette de l’artiste tant l’approche diffère.
Vue de l'exposition Selected Sculpture - Riva Project, Charles Riva Collection © Charles Riva Collection. © Hugard and Vanoverschelde. |
Si son imposante sculpture Headcleanner/Headhunter (2009) révèle
une forme à l’apparence quasi artisanale par les traces volontairement laissées
sur la matière. L’œuvre appartenant à la série des soft work, Vampire 31 (2011) apparaît aussi ludique que légère
tellement le sujet est identifiable.
Mais, l’œuvre de Sterling Ruby dont
l’esthétique semble donner une grande impression de spontanéité, suppose une
lecture plus attentive – au-delà de la matière pour atteindre l’essence de son
travail.
Headcleanner/Headhunter évoque par sa forme organique les connexions du cerveau et
dans ce cas, d’un cerveau rongé puisque seuls les neurones restent. Le travail
de la matière jouant entre l’éclatante couleur doré du bronze et les soudures
apparentes aux reflets bleutés rend compte de la complexité de l’œuvre et du
propos de l’artiste. Serling Ruby s’intéresse aux effets de certains produits
sur le cerveau et utilise le bronze comme matériau pour explorer la forme et
traduire les effets en mettant à mal la matière.
Vampire 31
propose une vision théâtrale de la bouche d’un vampire, dents rouges et gouttes
de sang rouges dégoulinantes. Les couleurs dominantes– le bleu et le rouge, se
détachent du fond – blanc, sur lequel l’œuvre est accrochée. S’il y a beaucoup d’humour dans cette œuvre,
il n’en reste pas moins que les références sont bien présentes. Elles sont à
lire en toile de fond. La voracité est au cœur de cette Soft Sculpture. Tout comme, une certaine critique de l’Amérique
dévoreuse et dévorante est sous jacente, soulignée par les couleurs dominantes
– le bleu et le rouge, ainsi que le blanc du mur sur lequel elle est accrochée.
L’apparente douceur de la sculpture composée de plusieurs matières, jean, coton
et laine s’oppose à la violence d’un propos qui vise à une critique de la
société en reprenant l’imagerie du vampire.
Sterling Ruby travaille dans la
combinaison entre la recherche philosophique et l’investigation de la matière.
Il décompose, compose, déconstruit, construit, matière et propos pour proposer
une œuvre diversifiée à la stratégie artistique complexe.
L’artiste présenté dans la
collection Charles Riva et également exposé chez Xavier Hufkens Gallery à
Bruxelles.3
Vues des oeuvres des expositions Scales, Eclpse, Sterling Ruby à la Galerie Xavier Hufkens, Bruxelles © DR. © Xavier Hufkens, gallery. |
1 Artiste, 1 ville, 2 lieux pour
découvrir l’univers de cet artiste complet qui par ailleurs a collaboré avec
Raf Simons, directeur artistique chez Dior, en 2014 pour une collection.
La relation entre la mode et l’art n’est
pas nouvelle mais se réactive dans un maillage contemporain.
A suivre …
1 Sterling Ruby, 1972, Bitburg (Allemagne), vit et travaille à Los Angeles.
2 Charles Riva Collection, Rue de la Concorde, 21 1050 Ixelles, Bruxelles, Belgique et Rue Tenbosch, 124 1050 Ixelles Bruxelles, Belgique.
3 Stering Ruby, Scales, Eclpse, 24 avril au 23 mai 2015, Xavier Hufkens Gallery, 6
et 107 rue Saint Georges, 1050 Ixelles, Bruxelles.