- Sophie
Un trait très tendance comme toile de fond, comme nouvel imprimé,
décliné selon son champ d’application : en trait, en ligne, en rayure, en
bande fait son apparition depuis peu dans les campagnes publicitaires de la mode.
Association de rayures vestimentaires et bandes graphiques, la
mode réinvestit le trait en jouant des codes art et mode.
Les lignes ou disons plutôt les rayures, animent le tissu depuis
des siècles déjà jouant avec la lumière et la matière pour rendre la création
vibrante. Elles créent des effets d'optiques différents qui se retrouvent
également dans les domaines de l’ameublement, de l’art et de l’architecture. Aucun
domaine ne semble échapper à ce trait qui utilise l’effet visuel comme motif créatif.
Si la mode emploie et réemploi la rayure, c’est pour jouer des
volumes et des formes du corps. Si le tissu d’ameublement joue avec les lignes,
c’est pour agrandir visuellement les dimensions. Si l’art investit la bande,
c’est pour créer une grammaire formelle.
Force est de constater que la rayure a le vent en poupe depuis le
tricot rayé de la tenue de marin dont la marinière figure aujourd’hui en tête
de proue.
La rayure prend de la couleur et de la forme au fil des saisons. Mais,
ce qui prédomine aujourd’hui est la mise en scène de certaines collections qui
affichent une association entre la rayure imprimée sur le vêtement et les
bandes graphiques d’un fond, d’une construction, d’un monument, d’un bâtiment.
Le choix des cadrages tend à amplifier l’effet d’optique en 3D des rayures
créant ainsi une géométrie descriptive commune. Le trait et les bandes
contribuent à jouer des perceptions mais surtout ancrent la mode dans un
rapport à l’art et à l’architecture. Cet effet visuel est intéressant car il
permet de souligner un nouvel exemple de porosité dans le sens de la mode vers
l’art.
La campagne de publicité Petit Bateau de 2014 opte pour des bandes
horizontales pour présenter ses modèles de marinières mettant en avant la
complicité entre des duos de générations avec le slogan « Jamais vieux
pour toujours ».
Campagne publicitaire Petit Bateau, 2014 |
Un troisième
acteur peut être avancé : l’art. Si le motif à bandes bleues des
campagnes semble être un décor, il n’en reste pas moins que la référence à des
œuvres artistiques et notamment au travail de Michel Parmentier (1938-2000)
peut être avancée. La marinière oui, mais l’art aussi !
Michel Parmentier Laque sur toile, 281 x 245 cm Galerie Lilane & Michel Durand-Dessert, Paris. |
Les bandes
horizontales laissent découvrir le travail de cet artiste inscrit dans le
groupe aussi culte qu’éphémère BMTP (Buren, Mosset, Parmentier et Toroni)1
qui opte pour la répétition de motifs choisis dans une démarche ascétique.
Michel Parmentier travaille la bande horizontale qui devient le motif de son
œuvre programmatique qui tend vers le renoncement, l’absence, le vide, le
retrait.
Le propos de l’artiste semble loin de la légèreté affichée par Petit
Bateau dans sa campagne publicitaire ! Reste l’effet visuel qui demeure et
joue de la perception. Perception et perspective mises en exergue par l’exemple
choisi qui tend à ouvrir un champ des possibles. A rayer ou pas.
Les campagnes de 2015 des
marques telles Chanel, Kocca, DKNY, Longchamp associent les créations
vestimentaires à des compositions graphiques. Si les colonnes de Buren (1938-)
peuvent pour certaines être avancées, de façon plus générale, la bande est un outil
visuel permettant une découpe, une projection visant à insérer le modèle dans
un rapport entre le fond et la forme. De façon plus ou moins subtile.
Chanel dans sa campagne publicitaire utilise un dispositif qui
répond au modèle présenté – tailleur pantalon noir brillant imprimé de fines
rayures blanches, créant un effet d’optique qui donne de la forme à la rayure
et à l’architecture environnante. Les lignes et rayures se mêlent dans une
géométrie graphique.
Campagne publicitaire Chanel, 2015 |
Le travail de Manuel Merida (1939-) peut être suggéré en
référence. L’artiste investit la notion d’espace et de nature environnante pour
créer des œuvres à l’horizon sans limite et évolutif. L’installation2
proposée à l’Espace Meyer Zafra3 propose un dispositif jouant sur
les rayures verticales et horizontales bi-colore (rouge et blanc) et d’élément
en mouvement offrant une perception ouverte.
Exposition Usuyuki/Chantier de Manuel Merida présentée à l'Espace Meyer Zafra du 24 octobre 2013 au 10 mars 2014 |
La campagne publicitaire offre ce
cadrage de traits contradictoires et l’ouverture d’une perception.
La campagne publicitaire Longchamp présente une composition
graphique clairement identifiable.
Campagne publicitaire Longchamp, 2015 |
Daniel Buren et son installation communément appelée les colonnes de Buren, peuvent être cités comme références d’autant que les
photographies de la campagne de la marque ont été prises à la Cité Radieuse de Marseille4. Haut lieu de l’architecture de Le Corbusier, dans lequel Daniel Buren a exposé5.
Les deux plateaux (installation appelée "colonnes de Buren), Daniel Buren Marbre blanc et noir, plan d'eau, 1986 Cour d'honneur du Palais Royal, Paris. |
Le résultat est donc un dispositif qui joue sur un effet d’optique identifié
aux colonnes de Buren situées dans la cour d'honneur du Palais Royal. Le lien entre mode et art est plus
que suggéré par la complicité entre tous les acteurs.
Le trait, la rayure, la bande questionnent l’espace et la perception
pour proposer une application répondant à son domaine.
Mais lorsque les champs mode et art se rencontrent et même si le
trait est parfois tiré, alors cela donne un champ des possibles, une autre
façon d’appréhender les pages glacées des magazines, une autre façon de lire la
mode, une autre façon de voir l’art et l’architecture.
1 Groupé crée en décembre 1966 et dissout en décembre 1967.
2 Eposition Usuyuki/Chantier de Manuel Merdia, présentée à l’Espace
Meyer Zafra du 24 octobre 2013 au 10 mars 2014.
3 Espace Meyer Zafra, 4 rue Malher, 75004 Paris, France.
4 Résidence édifiée entre 1947 et 1952 par l'architecte Le Corbusier
dans le quartier de Sainte-Anne, dans le 8ème arrondissement de
Marseille.
5 Exposition Défini Fini Infini, Travaux in situ de Daniel Buren
présentée à la MaMo (Marseille Modulor) du 30 juin au 31 octobre 2014.
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